Concours de nouvelle n°2 : Et si les nazis avaient gagné la guerre?

Bonjour à tous, voici le premier vrai billet que je blogue ici : clap ! clap ! clap ! Je partage avec vous ma participation à mon second concours de nouvelle organisé par la médiathèque de Ruelle sur Touvre.Et si les nazis avaient gagné la guerre? Voici le challenge proposé aux auteurs de plus de 18 ans.

Habitants de cet autre monde, rejouez l’histoire! Envoyez-nous vos témoignages datés et localisés à Ruelle-sur-Touvre.

Nouvelles : texte de fiction court et intense, comportant un titre, qui présente des personnages peu nombreux, se terminant par une fin originale respectant cependant la cohérence du récit.

Sans mentir, j’ai pensé que la thématique était délicate, vous devinez pourquoi. Je me suis dit que l’humour rendrait l’exercice plus aisé. En suivant les consignes et en m’aidant de ma vie privée récente, j’ai très vite ciblé la fonderie de Ruelle et les deux personnages haut en couleur que vous reconnaitrez très facilement. Enfin, comment évoquer ce lieu symbolique de Ruelle sans parler du Marquis de Montalembert…

Pour le contexte local et historique, je suis allé emprunter quelques livres à la Médiathèque de Ruelle-sur-Touvre à propos de l’histoire de la Fonderie et de son entrepreneur.

Bonne lecture et n’hésitez pas à me laisser un commentaire ou partager


On ne refait pas le monde.

8 mai 1945. Les Européens signent la Kapitulation imposée par L’Empire Nazi victorieux. Se voyant au bord du précipice, prise en étau, diminuée sur le plan militaire et affamée par l’amenuisement de ses ressources ; cette nation proclamée pour 1000 ans, réinventa ce qu’elle savait le mieux faire : mener la guerre sur un air de Wagner.

Elle espionna le projet Manhattan afin de voler les plans de l’arme atomique. Les scientifiques allemands chevronnées piquèrent la politesse aux Américains en miniaturisant et construisant à la chaine des têtes nucléaires dont ils ornèrent leurs missiles V2. De fait, ils clouèrent les anglophones sur les falaises de Douvres. A l’ouest, la vague rouge déferlante se brisa sur l’écueil polonais. Le Royaume-Uni déposa les armes en premier, un peu comme les Gaulois s’y résolurent aux pieds de César. Américains et Soviétiques rapatrièrent d’urgence leurs troupes afin de préparer une contre-mesure au feu de dieu. Dans une réunion tripartite, ils convinrent d’un pacte de non-agression dénommé « Pacte de Varsovie n°2 ». Clin d’œil ironique dont l’Histoire maitrise le secret et vit à répétition. Les Nazis larguèrent le 6 Août 1945 sur Moscou, puis le 9 Août sur New York, deux bombes nucléaires à la puissance de destruction incommensurable. C’est ainsi que le monde horrifié accueillit les deux premiers Œufs Kinder regorgeant de plutonium surprise.

Ce fût une victoire totale pour le IIIème Reich, sur lequel le soleil ne se coucha plus. Malgré tout, des poches sporadiques de résistances luttaient encore ici et là. C’est l’une de ses dernières actions coup de poing désespérée que nous allons suivre. Si elle échouait, les mots « liberté » et « espoir » finiraient dans les cendres d’un autodafé ; et plus personne ne les comprendrait jamais.

02h du mat. A cause d’un ciel sans lune, la Touvre ressemblait à une rivière de pétrole. Dans leurs terriers et sur les berges ronflaient rats et canards colverts. Seul le bruit de l’écoulement de l’eau venait trahir un semblant de vie et non une nature morte. Justement, au milieu du cours d’eau sur lequel était bâtit la Fonderie à canon de Ruelle, remontaient de minuscules bulles d’air. Les truites arc en ciels, comme elles s’en épanouissaient des centaines dans les parages, n’en portaient pas la moindre responsabilité. Non, c’était plus angoissant que cela, plus humain oserait-on dire. Deux ombres, l’une grande et fine, l’autre plus petite mais plus arrondie, progressaient furtivement. Elles attentaient de s’introduire dans l’usine construite en 1750, sous l’impulsion du Marquis de Montalembert.

Cet Angoumoisin avait ambitionné de construire la plus importante fonderie de canon du Royaume de France. De son vivant, il arma les frégates commandées successivement par Louis XIV, Louis XV et enfin Louis XVI. L’embryon de cette entreprise se matérialisa par l’acquisition d’un moulin idéalement placée sur la Touvre. Propice à la fabrication de l’artillerie dont raffola le général Bonaparte, la localité permit aux gabares de charger l’armement sur la Charente, facilitant ainsi l’approvisionnement de l’important port militaire de Rochefort. De cette époque jusqu’à aujourd’hui, la fonderie sût évoluer et satisfaire le cahier des charges des différentes Guerres Mondiales.

De lourds barreaux d’une grille obstruaient et filtraient l’accessibilité fluviale de ce bâtiment stratégique, et donc bien gardée. La propagande de Goebbels parlait de l’une des forteresses rouge et noire les plus bunkerisées du monde.

Deux traits de feux illuminèrent l’abîme Touvre. Ils vinrent sectionner sous le niveau de l’eau les grosses tiges métalliques. Les propriétaires de la pharmacie Poucy Laurentjoye surplombant l’ancien lavoir, au passage concluant l’avenue Jean Jaurès, depuis renommée en Boulevard Klaus Barbie ; dormaient d’un sommeil sous somnifères.

Le courant emporta les deux carottes métalliques telles des anguilles mortes. Ainsi la voie en trou de souris permit à cette escouade d’élite, réduite à son strict minimum, de se faufiler dans le périmètre interdit.

Des miradors aux quatre coins du site projetaient dehors et dedans leurs faisceaux de lumière. A l’intérieur de ceux-ci, les gardes y voyaient comme en plein jour, pouvant de fait scruter l’âme des gens tel l’éclat d’une divinité. Ils farfouillaient sans vergogne les ténèbres, embrassant le crédo de débusquer et chasser les vampires qui, on le sait, craignent le gourou soleil.

Nos deux héros nageaient tant que cela leur était possible. En effet, par de discret repérages aériens et le soutient de quelques ouvriers résistants, il avait été planifié ce qu’il serait possible ou pas de réaliser afin de s’infiltrer et s’exfiltrer par la Touvre. Grâce à ceux-ci, les deux hommes ne bravèrent pas les buses recrachant les eaux ultras bouillantes ayant préalablement servi à refroidir les grands fourneaux ; ni ne s’approchèrent de celles servant à alimenter les turbines des générateurs. Ils voulaient bien finir en martyr mais certainement pas en frite McCain.

Le plus grand des deux soldats se mit debout. Le niveau du cours d’eau n’égalait pas son mètre quatre-vingt-treize. Il moulina du poignet la corde d’un grappin afin qu’elle s’accrochât à la rembarde les surplombant. Un léger bruit métallique se laissa entendre. Les oreilles des berger allemands pivotèrent mais les maitres-chiens n’en tinrent pas compte. Il faut dire que dans la masse de bruits de ferrailleries ou le capharnaüm émit par les presses hydrauliques, un coup supplémentaire de marteau sur un vis ne se démarquait pas du tintamarre omniprésent.

Il en allait de la sorte dans les industries de guerre. Même en temps de « Paix ». La Fonderie de Ruelle étalait un appétit d’ogre ! Elle engloutissait chaque seconde des quantités mirobolantes de charbon, de coke, d’acier, d’explosif… et d’hommes. Des lignes de chemins de fer, des norias de camions et la misère approvisionnaient cette machine, une ville dans la ville. Tout ce qui se produisait ici, tuait ou détruisait sur les frontières encore sous pression d’une Guerre Tiède. L’eau sale s’écoulait, la poussière et la fumée des cheminées des fours s’envolaient tandis que les ouvriers éreintés par des travaux Herculéens par session de douze heures, rentraient directement chez eux à pieds, souvent cassés en deux. Qu’est ce qui les faisait tenir ? D’abord leur famille à nourrir et ensuite le STO. C’était ça ou bien la déportation ou la mort. Ce qui dramatiquement revenait au même.

Le géant s’articula en escabot, aussi parce que son collègue faisait son poids, mine de rien. Mais la corde, même si parfois vacillante, restait indéfectible à l’image de leur amitié. Hop, hop, nos deux combattants bondirent en saut de cabri pour se cacher derrière deux caisses de munitions. Des obus de 900 kilos au bas mot. Chaque douille pouvait rayer un pâté de maison de la carte. Ils se débarrassèrent en tout hâte de leurs tenues de plongeurs, sans oublier leurs bouteilles d’oxygène.

Le ventru fouilla dans l’une de ses poches et en ressorti un long et gros cigare. Il craqua sur sa chaussure une allumette, tout en crapotant, alluma l’objet anobli.

-Très cher, rangez-moi immédiatement ça ! Vous allez nous faire repérer doublement : tantôt par la vue perçante des gardes collabos, tantôt le fin odorat des cabots !

-Mais Général, ce Cubain est mon porte chance. Il symbolise depuis toujours un compagnon et bâton de pouvoir avec lequel j’ai, entre autres, promit du sang, de la peine, des larmes et de la sueur à mon peuple.

-Les pauvres, ils ont tout eu.

-Ironiquement, il tient lieu de cadeau de départ à la retraite, exigée à la Reine par Göring dans la Kapitulation. Mon excommunication répondant à l’humiliation que lui ont infligée l’héroïsme de la RAF et la détermination des Londoniens.

-Hélas cela n’a pas suffi.

-Vous m’en direz tant, Charles ! Vous m’en direz tant. Ce n’est pas de courage dont a manqué la France mais de la Manche à la place du Rhin.

A ces mots, le bitume se mit à trembler. Les plus petits cailloux sautillaient sur place, se déplaçant comme par magie ou lévitation.

Sous l’Arc de Triomphe servant d’entrée pour les personnels et voitures, s’engouffrait dans la Fonderie un tempétueux char Panzer VII. Sur son flanc était poché une tête de mort et des traits tracés à la craie graduaient le canon de sa tourelle.

Avant les colosses étaient des hommes, maintenant ce sont tous des machines. Celle-ci, aussi mobile, que résistante, que meurtrière ; présentait toutes les qualités sauf un défaut. A sa vue les hommes se pétrifiaient de peur comme s’ils croisaient le regard de la Méduse. Ce sort était bien plus souhaitable que les flammes de l’Armageddon vomit par l’âme de son canon.

Les sentinelles allemandes le respectèrent d’un militaire salut Nazi : Seig Heil ! Seig Heil !

-It’s a pain in the a…neck !

-Si seulement le Colonel Leclerc avait reçu le char ultra moderne appelé de ses vœux à Koufra… Nous serions dans une toute autre situation…

-Quel beau discours il envoya au gouvernement de la France Libre, sans toutefois égaler mes harangues à la Chambre des Lords, sous le regard bienveillant de Big Ben ! Cela ne nous rajeunit pas…

-Ni nous aide sur le plan tactique Monsieur le 1er Ministre. Avançons et accomplissons notre objectif.

Par chance, le char lourd éteignit ses moteurs et ses phares. Il se confondit dans la nuit afin d’économiser son kérosène, son talon d’Achille.

-C’est le moment, profitons-en. Go ! Go ! Go ! Murmura le Général de Gaulle à son coéquipier.

Les deux commandos se dirigèrent vers un premier hangar en pierre, ancien de plus d’un siècle, lui procurant une stature et un charme que la modernité peine à retranscrire. Les nouveaux occupants avaient buriné les anciennes inscriptions et gravures héraldiques, les remplaçant par des aigles impériaux et des Svastikas.

Visible à travers les grilles depuis la route menant vers Limoges, en face de la place Albert Speer, anciennement Montalembert, on pouvait apercevoir le fameux bâtiment. C’était un alignement de trois façades, rappelant vite fait les petites maisons du Monopoly. Sur chacune de ces devantures une grande porte vitrée dont le haut se terminait pas un demi-cercle. De part et d’autre de ces ouvertures se logeaient des ancres marines, sauf celle du centre arborant un long drapeau rouge avec une croix gammée. La partie triangulaire formant le toit se composait d’une large baie vitrée en carreaux, lui conférant un air de rosace de cathédrale sans chichi. De fait, il émanait de toutes ces ouvertures d’un mauvais verre une lumière orangée, très chaude. On aurait dit que le hangar couvait un coucher de soleil ou regorgeait de nuance rouge-dorée de tisons ardents.

Churchill attrapa son cigare entre deux doigts potelés et ridés, qu’il pointa vers l’atelier des mouleries.

-Amazing, c’est ici que nous nous nous insinuerons afin de parvenir au bâtiment haute sécurité. Nous allons nous fondre dans le décor, De Gaulle !

-Ne criez pas comme ça mon nom, Rosbeef que j’affectionne ! Je passe devant, c’est plus prudent.

Les deux ombres s’additionnèrent aux multiples chinoises. A l’intérieur du théâtre industriel, les marionnettes ouvrières jouaient les pièces de leurs tâches. Cela modelait, moulait, fondait, coulait, estampait, étirait, laminait ; tout un jargonnage mystifiant nos deux hommes. L’air chaud leur brûlait les poumons et des gouttes de sueur se démultipliaient sur leur peau. A ce rythme-là, ils seraient plus moites que lorsqu’ils barbotaient dans les eaux de la Touvre. Les ouvriers en plein travail se laissaient observer malgré eux, à la fois si robuste et si las dans l’effort. D’aucuns surveillaient attentivement le fonctionnement d’une machine, réglant de temps en temps les boutons ; tandis que d’autres les frappaient ou serraient avec des clés. De nouveaux encore brassaient à l’aide de grande tiges le fer en fusion comme l’on agite la crème anglaise pour qu’elle ne tourne pas. Ils étaient beaux et affreux à la fois. Certains affichaient un physique d’athlète que beaucoup de femmes désireraient ou que beaucoup d’hommes enviaient de posséder. Mais difficile il était souvent de les distinguer tellement une couche de poussière de charbon recouvrait leurs visages desséchés. On aurait dit des cadavres sortis de terre, probablement une mine. Car malgré les ténèbres, des jaillissements d’étincelles, de la pluie de soleil, éclairaient par intermittence ces damnés. Entre leurs pieds, pas effrayés de ci peu, ondulaient des coulées de lave tel des serpents. On aurait dit du miel à la température du magma. Il y avait, pardon pour cela, mais ce qui s’apparentait à des bouchers ou charcutiers déroulant et débitant la matière ferreuse comme si c’était du boudin blanc. D’ailleurs certains logeaient un crayon derrière leur oreille et s’essuyaient sur leurs lourds tabliers les protégeant de projections de « lave ». Si l’on ne tenait pas compte de la dureté du labeur, il pouvait fasciner nos deux soldats omnibulés du reste comme n’importe qui devant la flamme d’un feu de cheminée. Télé du pauvre par les pauvres. Ils pérégrinèrent un peu plus loin vers leur objectif.

Là, différents fours incinéraient leurs entrailles incomestibles, empruntant des airs de totems amérindiens avec des écoutilles à la place des yeux et des grilles des bouches. Il exaltait de cette réalité une vision d’Apocalypse.

-Attention Général !

Winston Churchill bouscula vivement Charles de Gaulle dans ses côtes, le plaquant à quelques pas au sol.

-Camarade, je vous dois une fière chandelle ! Mais si je puis vous proposer une amélioration tactique, que penseriez-vous de l’utilité d’un régime ?

– Why not Laurel ! J’adore cet endroit. Il me rappelle ma jeunesse quand j’étais dans les rangs des SAS ! Ce climat doux séduirait Laurence d’Arabie à coup sûr.

Les deux avachis se redressèrent afin de remonter l’origine du mal. Un énorme creuset, sorte de mug géant, déversait son métal en fusion à la couleur d’or, dans l’orifice d’un moule situé peu avant sous ses pieds. L’homme, qui rêvait jour et nuit d’une grandeur retrouvée pour la France, avait failli se retrouver statufié, prêt à orner le bas de l’avenue des Champs Elysée dans un autre univers.

-Grâce à vous je ne me transformerai pas en statuette des Oscars.

-De Gaulle, l’homme touché par le providence et Midas, le transformant en homme de guerre et d’état brillant.

-Ne nous attardons pas, nous devons, je vous le rappelle, trouver les plans de constructions d’armes miracles invoquées par Hitler !

-Of course !

Les deux Rambo se remobilisèrent. Sur leurs talons, ils entendirent un ouvrier commentant passionnément son travail : « On dirait du bon pain ! » Puis il martela avec dextérité le morceau d’acier incandescent posé sur son enclume.

L’autre moitié du hangar usinait tout autant. La différence fondamentale provenait du changement de lumière, d’orange elle tirait au blanc livide, du feu au néon.

Le bruit, également, évoluait. Fini le choc chaotique et guerrier des épées contre les boucliers. Place à la modernité des machines-outils avec la répétitivité et le chronométrage.

Au centre de la pièce, soulevée horizontalement par d’énormes treuils mobiles, une forme quasi tubulaire et oblongue se suspendait. A vue de nez ses dimensions avoisinaient les vingt mètres de long et quatre mètres de diamètre. Il s’en disposait ainsi dix unités à la queue leu leu, à des stades de constructions plus ou moins avancés.

– Bloody Marie !

-Enfer et damnation ! Des missiles intercontinentaux assez grands pour transporter des dizaines de bombes à hydrogène chacun et atteindre n’importe quel endroit sur Terre ! Regardez Monsieur le 1er Ministre, nous pouvons voir l’intérieur de ces monstres, encore vides, par ces nombreux hublots carrés.

-God save the Queen !

-Regardez devant, ils vont lui poser sa coiffe, un cône aérodynamique dans le but scientifique de mieux pénétrer dans et transpercer les bunkers. Nous arrivons probablement trop tard, voyez ils les ont posés sur des essieux afin de les transporter par voie de chemin de fer.

L’Anglais inspira une grande bouffée de son cigare, lui paraissant subitement insipide. Le Français se décoiffa de son képi et le coinça sous son aisselle. Ses lèvres bougeaient sans émettre de son, le regard triste et grave ; récitant probablement une prière d’amour pour sa femme, sa fille et la France.

-Achtung ! Achtung !

Si une très grosse frayeur les fit vaciller d’abord, très vite ils s’élancèrent derrière un amoncellement de sièges sur le bas-côté. Ils se rassurèrent, se rendant à l’évidence qu’ils n’étaient pas repérés par un garde. Non la victime se trouvait sur le quai, un ouvrier à quatre pattes, occupé à ramasser hâtivement des bobines de cuivre lui ayant échappées des mains. Un officier nazi lui assena un gros coup de pied dans le derrière, ajoutant de la douleur à sa mise en garde.

-Le salaud…

-Son of the b… !

-Continuons notre mission, en atteignant les plans secrets afin de les détruire, nous changerons le cours de l’Histoire ! Venez Churchill !

Sous cet encouragement, les deux soldats se maintinrent voutés, avançant avec la furtivité d’un chat de cachette en cachette. Sur le quai, des ouvriers s’affairaient à polisser, raboter et aléser des pièces de toutes les formes et de toutes les tailles. Ils semblaient concentrés.

Les deux hommes atteignirent enfin la porte du Paradis ou de l’Enfer : bureau du chef. Le Général en tourna la poignée.

-C’est fermé…dit il plein de dépit.

-Elémentaire mon cher Watson ! Penseriez-vous que cela serait si facile ? Poussez-vous très cher.

Le même coup d’épaule, aussi puissant qu’un bélier, dégagea la voie. Efficace, mais pour la discrétion, il faudra repasser. Les deux maquisards se précipitèrent à l’intérieur, voulant profiter de l’effet de surprise et s’attendant à tout moment à se voir arrêter ; peut-être fusillés sur place.

La pièce contenait une multitude de serveurs et de supercalculateurs. Pas de chef. Avec tout ce qu’ils avaient croisé auparavant, elle contrastait. Les ventilos perturbaient à peine la quiétude de l’endroit : on y aurait entendu voler une mouche. Partout des leds de toutes les couleurs s’allumaient et s’éteignaient. On aurait dit les tours du quartier de Manhattan éclairées par une nuit d’hiver. Des fois, une imprimante crachait un rapport recouvert d’une écriture binaire.

-Ah l’informatique ! Soupira le grand homme. Tant mieux pour l’avenir du pays libéré mais je crois bien que je ne suis plus de ce temps. Je vais songer à la retraite, douce et heureuse, à Colombey les deux églises. Qu’en pensez-vous, Churchill ?

-More of the same. Mais quitte à choisir, je privilégierais un bon pub tamisé par la fumée de d’excellents cigares, tout en dégustant un Whisky bien frappé.

-Terminons ce pour quoi tant ont payé de leur vie, pour les générations futures ne devant pas connaitre le joug nazi.

Adossé au mur du fond, un gros bureau à caisson en noyer ancien, en imposait par son orgueil. Un micro-ordinateur en plastique blanc défraichi était juché dessus. De Gaulle s’assit devant puis regarda avec circonspection l’écran cathodique, le clavier et enfin le mulot. Une horloge borne style Louis XIV décorait le meuble. Elle affichait des soleils en lieu et place des heures. Sur la base de celle-ci était inscrit ces mots forts resplendissants :

« Doué d’un beau Génie, et chéri de Bellone, Au grand Art défensif il consacra son tems. Profond dans ses Ecrits, n’empruntant de Personne, il laissa loin de lui, les Cohorn, les Vauban. »

-Je ne suis pas à l’aise avec l’informatique.

– I see it ! Mais l’Anglais n’insista pas beaucoup pour prendre sa place.

-D’après les renseignements, le mot de passe est : « Montalembert ». Essayons.

Le Général tapa sur les touches du clavier avec moins d’aplomb qu’il n’en aurait eu devant une valise nucléaire.

L’ordinateur bipa, visiblement insatisfait de la réponse. Il indiquait : « Mot de passe inversé exigé pour déverrouiller la session administrateur. »

-Tentez, puisque nous autres Britanniques réussissons à l’envers tout ce que peine à réaliser les Français : « Descendalendroit »

Sur le fond noir de l’écran se modélisa un visage en fil de fer vert fluo. Une voix synthétique émergeant des enceintes s’adressa aux deux hommes de Cro-magnon.

-Bonjour, je me présente, je suis le Marquis de Montalembert, homme de guerre et d’affaire. Cela fait longtemps que je vous observe sur les caméras de sécurité. Sans vouloir vous offusquer, vous n’êtes pas très discrets. Je vous ai un peu aidé. Que puis-je pour vous gentilshommes ?

-Impossible ! s’exclamèrent simultanément mais depuis un langage différent le mousquetaire et le garde rouge du Palais de la Reine.

-Pour aller vite – car des soldats sont à vos trousses – je vous dévoilerai que je ne suis qu’un programme, une IA, mais je conserve une grande partie de l’âme du Marquis de Montalembert. Je suis codé par Monsieur Turing depuis mes Mémoires secrets et mes instructions gardées secrètes par mes héritiers. J’ai profité d’un caractère visionnaire qui a souffert du manque de temps et des ressources technologiques nécessaires à l’émancipation de mon génie. Quelles sont vos instructions ?

-Nous t’ordonnons d’imprimer tous les plans d’armes secrètes des Nazis puis d’activer le processus d’autodestruction de cette usine.

-Vous commettez une grave erreur, je me permets de vous en avertir avant que vous ne le regrettiez.

-Comment ça ?

-L’arme dont vous avez entr’aperçu le prototype juste avant n’est pas le V3 MARUCA ou le V4 MARSUCA. Non c’est plus que cela, une invention de mon crû que j’ai imaginé de mon vivant et que je fais construire à l’insu des méchants.

-Mais qu’est-ce ? Se stupéfièrent les deux hommes de principes.

– C’est une arme non conventionnelle. Non pas parce qu’elle tue à la folie mais pas du tout. Elle va rapprocher les peuples, favoriser les échanges. Elle propagera les valeurs fondamentales de la France à travers l’Europe. L’espoir, l’égalité, la fraternité, la liberté embraseront à nouveau le cœur des Hommes libres ; trop cruellement prises en otage des élites totalitaristes. Mon invention portera l’étendard flamboyant des Lumières à travers les continents et les âges. Ce bienfait, je l’ai appelé TGV !

 

 

 

 

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