Atelier d’écriture n°9 : miroir, miroir

J’ai l’impression d’être au taquet, quasi régulier à partager mes écrits. À tous mes lecteurs fantômes qui se reflètent en moi :

Je me baladais dans une fête foraine. J’aimais bien l’idée de m’amuser, de ressentir le frisson, que ce fusse sur une montagne russe ou avec une femme.  De « ohhhh » et de « ahhhh » battait mon cœur. J’avançais parmi la foule insouciante des groupes mixtes, des amis, des amants, des familles. Mon regard s’accrochait à un reflet d’or. C’était un poisson rouge dans un minuscule aquarium en plastique. J’ai toujours trouvé ça mignon. Puis triste. Et si c’était moi ?

« IIIhhh ! » Les cris lancinants de jeunes filles en train de mourir me faisaient lever les yeux au ciel. Non, en fait, elles vivaient leur meilleure vie à frôler la mort dans un manège à sensation. Le nom du bousin clignotait par un jeu de néons : « seul ou ensemble vers la destination finale ». Une voix nasillarde vantait au micro : « Attention mesdames et messieurs, pour le dernier soir, le voyage est à 1€ ». Je me disais que c’était plus économique que la future ligne de bus d’Angoulême. Je ressenti un violent impact dans l’abdomen. Un ado en fuyait un autre et n’avait pu m’éviter. Le choc me projeta contre une singulière attraction : un labyrinthe de vitres et de miroirs.

J’entrais malgré moi. Plusieurs reflets de ma personne me renvoyaient tantôt mon état de surprise, d’appréhension, tantôt de joie et de peur. Je ne savais pas si j’avançais ou reculais. Un pas supplémentaire m’amenait dans une impasse. Je faillis tomber nez à nez avec moi-même. « Bonjour » me dis-je benoitement. J’auscultais ma vraisemblance : ma barbe, mon regard, mon allure générale. Est-ce que cette tenue me va bien ? Est-ce que je plais ?

C’était moi, en dehors de moi. C’était marrant car je remarquais que tous les miroirs ne se valent pas. Je ne parle pas de celui qui nous grossit ou rapetisse par un jeu de distorsion de la physique. Il en va de cet effet d’optique comme du jugement des gens. Pas grand-chose suffit pour tout déformer. Non c’est plus profond que cela. Il y a miroir et miroir.

Par exemple celui de ma salle de bain, où je peux me regarder à poils sans sourciller. Je ne vais mentir à personne en disant que ce n’est pas toujours très ragoutant. Et pourtant mon image, dans le détour d’une rue, le reflet d’une vitrine ou le miroir d’un ascenseur, a ce terrible du « c’est trop tard». C’est comme un couperet qui me tombe dessus : il m’agresse en me plaçant dans la perspective des autres. Il me fait pénétrer dans l’esprit des gens. Je me juge. Pourvu que je sois beau…

Je voulais me toucher comme on ne croit que ce qu’on voit. Je tendis mon index incertain vers le miroir. Je désignais l’inconnu, j’accusais la cible de mes interrogations. Ce n’était pas que je me plaisais mais je souhaitais faire connaissance avec moi-même et moi seul. Et si je donnais un coup de poing dans le miroir ? Peut-être allais-je me rencontrer, me serrer la main, éventuellement me prendre dans les bras pour me réconforter ? La glace se brisa. Mon sang coulait sur la vitre. Je me voyais comme un poisson rouge.

Des fragments de moi gisaient au sol. Un débris grimaçait de douleur, ce qui donna naissance à un sourire compatissant sur un autre éclat. Un autre bris de verre se mit à rire de cette situation, quant un autre encore fronçait les sourcils de m’être comporté ainsi. Un gros monsieur à grosse moustache fulminait en se rapprochant de moi. Je devinais qu’il était le propriétaire des lieux à la noirceur de ses yeux. Heureusement d’autres reflets de ce golem semblaient vouloir lui barrer la route, peut être afin que je m’en allasse. Je finis par comprendre ses cris : « Oh l’éléphant, qui casse paie ! »

Mais qui paiera pour moi ?

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