Concours de nouvelle 2019 : Brive-la-Gaillarde

Bonjour à vous, c’est la reprise de la saison d’écriture. En un mois, j’ai participé à trois concours de nouvelles… une productivité ou taux de participation que je n’ai jamais eu jusqu’à présent. Le thème de concours était libre de choix. Cela a été un peu laborieux. Je me suis senti mieux sur les deux autres concours.

Plongez dans la peau d’un trentenaire explorant ses sens à la plage.

UN WEEK-END À LA PLAGE

C’était un week-end à la plage. Mais pas celui de sa première fois, où l’on découvre la mer ou la sexualité. Non, celui-ci, pour un jeune homme à la trentaine déjà entamée, représentait le perpétuel retour. Pareil aux vagues, il venait s’échouer au même endroit. Il empruntait à l’eau son caractère insaisissable. Et de l’écume, il imitait trop bien son côté éphémère. On ne les remarquait même plus. Des fois, il pénétrait la mer pour se sentir vivant et libre. Le courant des baïnes l’emmenait il ne savait où. Tandis que les vagues, s’il ne jouait pas avec, le percutaient de plein fouet. Réussir à sortir la tête de l’eau, quoiqu’il arrivât, c’était tout ce qui comptait pour lui. Le tube de la vague et le hasard du quotidien incarnent deux rouleaux compresseurs.

Pendant ses précédentes vacances, il s’était baladé dans un musée de l’estuaire près de Royan. Il apprit que des races d’oiseaux avaient peur de l’eau. D’autres ne touchaient terre que pour se reproduire et enfanter. On aurait dit des hommes. D’ailleurs on écrit souvent des poèmes sur la mer ; mais que pense-t-elle de nous quand elle nous voit ?

Le trentenaire partait à la conquête de la Côte Sauvage. Ce n’était pas une plage qui s’offrait à la feignantise des baigneurs. Une série d’épreuves l’attendait, avant d’obtenir le privilège de la contempler.

Une très large forêt de pins dissimulait l’accès à la plage. Le rideau de verdure disséminait ses aiguilles un peu partout, voulant dissuader les marcheurs de progresser. La sensation d’une écaille de pomme de pin entre la voute plantaire et la semelle de la claquette de plage ; évoquait la sensation de marcher sur des bris de verre. Ainsi pour se soulager, le jeune homme se laissait aller à l’idée de marcher nus pieds. Il aurait mieux fait de se casser une jambe ! Le sable chaud lui cuisait la corne sous ses talons. Il repensait aux œufs au plats de la veille. Mais après un le chemin de croix, restait l’ascension du Golgotha. Une formidable dune, haute comme plusieurs remparts, barrait l’accès de la plage. Il soulevait soulever ses mollets toujours plus raides, tout en cherchant profondément l’oxygène dans les alvéoles de ses poumons. En gravissant la pente, il culpabilisait de sa gloutonnerie au barbecue du midi, quand d’autres se promettaient une énième fois d’arrêter les clopes.

Enfin ! Quel soulagement ! L’iode, la cavalcade de la houle, l’haleine du large venant caresser sa peau. Les hommes apprécient particulièrement lorsque le relâchement de l’esprit coïncide avec celui du corps.

Le trentenaire dévala la muraille de sable. Il précédait des couples d’amis qui brinqueballaient des affaires de plage ainsi que des jeunes enfants. Le plastique des jouets et des couches gonflait les parois des sacs.

Un gosse mignon voulait mouiller le sable en vidant dessus la mer grâce à un seau. Pour l’adulte qui a lu cette phrase sans se retenir de sourire, voici un travail d’Hercule bien ridicule. Évidement c’était aux parents de se coltiner les allers-retours de cette corvée. Mais que cela leur paraissait si prodigieux d’observer leur chérubin modifier le monde à la seule force de son imagination. Bien des adultes, avec le temps passant, en égarent le secret.

Puis une idée en chasse une autre. L’envie de détruire sa création lui procura une indécente et irrépressible jouissance. Cela soulageait son géniteur, harassé d’avance. Était-il possible, parfois, qu’il pense la même chose envers la progéniture ?

Le trentenaire s’avança dans l’eau. Inexorablement, il la trouvait fraiche. Il se motivait en disant qu’il s’habituerait, qu’il n’avait pas parcouru ce chemin pour bêtement renoncer. Le froid l’attaquait à l’intérieur de son corps. Ses muscles devenaient des glaçons. Les vagues le happaient de plus en plus haut. Clairement, le corps de l’homme résiste à pas mal de chocs. Mais il notait que si le cœur et les poumons se voyait protégés dans une cage en os ; son entrecuisse souffrait. Ainsi, il avança en se retournant. Il offrait son popotin à la force virile de la mer. On dirait que la nature ne réalise rien par hasard ; et que l’orgueil des hommes est fragile.

L’homme aux premiers poils blancs n’avait plus pied. Il se trouvait à la merci de l’océan. Face à lui, des petites montagnes avançaient. Elles ne s’arrêtaient jamais, préférant se vautrer sur le sable. Il en espérait des gigantesques, les plus belles et les plus dangereuses. Le jeune était à l’affût de ses sens. Trouver le bon rythme pour lancer un appel d’air, s’essuyer les yeux pour se repérer. Il suffisait de paniquer une seule fois pour boire la tasse, une seule fois pour…

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