Concours d’écriture : Cosmopolite, le bonheur 2020

Bonjour!  Je participe au concours de nouvelle organisé par Cosmopolite, librairie indépendante. Une idée m’est venue : vous faire lire ma participation AVANT de la soumettre au jury. J’affectionne les concours locaux, qui au delà du processus créatif, pourraient m’amener à faire des rencontres littéraires. Par ce biais, il me serait possible de prendre de l’expérience et de nouer des contacts contribuant à ma progression, ainsi que promouvoir mon cas.

N’hésitez pas!

concours écriture 2020 Cosmopolite bonheur
concours écriture 2020 Cosmopolite bonheur

Bonheur par décret

C’était l’histoire d’un rêve, celui qui poussait sur des champs de ruine, comme le blé sur les terres fertiles. Le genre humain venait encore de subir une de ces catastrophes desquelles il avait proclamé haut et fort sur des pancartes : « plus jamais ! »

C’était reparti, les faillites, les vies professionnelles rangées dans des cartons et des familles expulsées sur le pavé. Les entreprises aux profits mirobolants quémandaient en l’état des aides exorbitantes. Une crise, n’est-ce pas le prétexte pour se venger ? Inverser les rôles, se faire du bien en faisant du mal. Qui que ce soit, contre n’importe qui. George était placé au chômage partiel. Une sorte de purgatoire avant le chômage réel. Cet homme mûr avait les idées confuses. La sagesse consiste souvent à se dire : « et après ? » On pense que c’est de la lâcheté mais ce n’est que du désespoir.

Les nouvelles démoralisatrices se succédaient à la télé. Harassé, George se couchait en éteignant la boite à image. Il s’allongeait sur l’écran moelleux de son lit. Il levait des yeux le plafond, une autre toile de projection où s’animent ses dernières cogitations. Avant de s’endormir.

George travaillait au palais Bourbon. C’était là que les élus du peuple se saoulaient aux textes de loi. Ce grand édifice se constituait à partir d’alinéas et de paragraphes. Il régissait le quotidien de millions de Français. Souvent dans le monde entier, on le prenait en exemple et parfois à partie. On le trouvait présomptueux, verbeux, compliqué ; un symbole démocratique fort, toujours à la fois très moderne et anachronique. George le dépoussiérait, raffistolait ce qu’il pouvait selon ses moyens. Mais cette nuit n’était pas comme les autres. Il était toujours la même personne, son importance la même mais son rôle différent. Sa main servait de balayette.

George déambulait entre les bancs, à la rechercher d’un dossier. Il ne creusait pas les sujets. En dépit de sa volonté, il lisait en diagonale les titre, ce qui le cultivait assez sur bien des sujets. Les assistants parlementaires les rédigeaient à la va-vite, reprenant les éléments de langage envoyés par les lobbys. Mais George n’avait pas de temps à perdre. L’hémicycle était vide. Les papiers s’accumulaient dans la corbeille. À cause d’une légère somnolence, il activa par mégarde le micro d’un pupitre. Sa tonalité se propagea les bancs de l’assemblée :

– Merde ! mince, pardon désolé.

C’était sa franchise avec sa simplicité. Il disait souvent qu’il pensait, des fois malgré lui.

Le vaisseau législatif redevint silencieux. Pour chercher sa concentration, l’homme ferma ses yeux. Ainsi il regroupa sa puissance morale, quelques idées utiles et la volonté farouche du bonheur. Sa vie ressemblait à nombre de celles de ses concitoyens. Il avait quelque chose sur le cœur, rien de secret mais une énergie à émanciper. Son âme honnête était la cathédrale des actes altruistes. Il sonna les cloches ! George rouvrit ses yeux.

Il distinguait en filagrammes les silhouettes des députés et d’une partie du gouvernement, ayant tous les regards tournés vers lui. Il entendait en acouphène le brouhaha des indisciplinés de l’assemblée.

– Ça suffit ! cria-t-il dans le micro. Assez de cette gabegie et de votre inertie. Je ne vais pas reprendre point par point la longue liste de ce qui ne va pas. Aujourd’hui, c’est l’action, la bonne, l’utile, celle qui fait le bonheur de l’ensemble de nos concitoyens. Nous avons instauré le ministère du bonheur, n’en faisons pas une maison fantôme. En voici le premier décret…

George dicta une première ébauche de bonheurs sur mesure, trop évidents pour se voir décrits ici. Le bonheur de tous, c’est l’assouvissement de chacun.

Il dépend des mœurs, des époques, des modes, des manques et des trop pleins, varie à cause d’un malentendu et change sur un coup de tête. Bien malin sera celui qui les contentera tous. En attendant, des présidents aux dictateurs, chacun fait de son mieux pour son bon plaisir. Je le veux, nous le voulons tous. Qui s’oppose au bonheur ?

Ainsi se termina la harangue de George. Le gouvernement fantôme, image en trompe-l’œil du peuple absent, l’ovationna. Il entendit d’autres cris et des applaudissements imaginaires. Pour cela créait quand même en lui, une satisfaction lui procurant un bien fou au cœur. Il voulait les remercier, sorte d’autocongratulation ne portant pas son nom. L’ego, c’est le premier fondement du bonheur. Faible ou pas.

Un claquement sec se réverbéra dans l’hémicycle abandonné. C’était l’un de ses balais à brosse qui venait de tome de son chariot de ménage. George descendit les marches, ramassa son instrument de travail puis poussa le chariot jusqu’à la zone suivante. Il était déjà en retard pour les salles du restaurant et celle de sport de l’assemblée.

Il grommela pour lui :

– N’empêche, le bonheur, c’est quand ? C’est où ? C’est quoi ? Peut-être que c’est ça ? Je l’ai entendu dans une chanson de variété française et lu dans un roman feel good. Pour sûr, ce n’est pas de la politique…

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.