Nouvel atelier d’écriture avec Les Fabulations. Le thème de l’atelier permettait deux types de ré-écriture de l’histoire. Je me suis lancé dans l’utopie. Nous devions inclure des éléments clairs de science fiction : extra-terrestre et cyborgs. J’ai ajouté Platon.
Utopie
Cette scène se déroule en plein jour dans une galaxie lointaine. Si lointaine, qu’il faut en traverser plusieurs autres avant de parvenir à celle-ci. Aucun nom ne la désigne puisqu’aucun scientifique humain ne l’a repérée. Elle est recouverte essentiellement d’eau, mais ce n’est pas la Terre. Quelques continents y font surface, mais ce n’est pas de la terre. Deux extraterrestres en toges discutent sur un banc holographique, en haut d’une falaise surplombant un océan.
– Qu’est-ce que c’est père ? demanda l’un d’eux, tout en pointant un point très lumineux dans le ciel.
– Ce que tu cibles actuellement, c’est l’explosion d’une étoile.
– Cela explose les étoiles ?
Au loin, des ailerons métalliques fendent les eaux.
– Contrairement à nous, elles ont une durée de vie, oui. Il arrive qu’elles s’effondrent pour diverses raisons. Ce cataclysme astronomique est le plus important après le big bang. C’est comme l’explosion d’un volcan astrale, engendrant parfois des trous noirs. Il faut vraiment t’en méfier.
L’adulte reprend après une courte pause :
– Si tu observes ce genre d’étoile filante qui reste statique, fais le vœu d’être le plus loin possible d’elle. Tu l’aperçois encore, mais les humains l’appelaient « le soleil ».
– Pourquoi ça meurt une étoile ? demanda l’élève. Quelqu’un a jeté un bidon d’essence dessus ?
– Le soleil n’a pas supporté le supplice de la Terre. Elle a subi une humanité au bord de l’implosion : une nature surexploitée, des guerres aussi inutiles que dévastatrices, des comportements puérils et des égoïsmes exacerbés… Des vices et de concepts que nous avons banni de nos vies. Une utopie ne se réduit pas uniquement à de la haute technologie ou l’imagination de Jules Verne.
– C’est quoi une utopie ?
– C’est nous, nous qui ne reproduisons pas les erreurs humaines. C’est aussi la simplicité. Celle du rapport respectueux entre une nature et une espèce endogène. C’est la perfection devenue, comme nous qui avons quitté notre monde originel pour créer un paradis de cette planète morte. Nous ne dérangeons personne et nous nous arrangeons perpétuellement.
À ce moment-là, un oiseau Concorde bat des ailes au-dessus de leur tête. Il tient une branche de laurier dans son bec.
– Comment-a-t-on apprit pour les humains ?
– Il y a quelques temps, nous avons intercepté un de leurs satellites : le Pionneer. C’était une sorte de carte de visite. Sur la plaque dorée, on voyait leurs silhouettes nues ainsi que leurs coordonnées. Mais nous ne sommes pas allés les voir pour ne pas les effrayer. Leur échec nous rappelle le bonheur de notre existence. Que la vie, c’est beau mais c’est complexe. Les concepts et valeurs doivent être constamment reparamétrées.
– Les civilisations meurent deux fois : concrètement d’abord, puis des mémoires. C’est horrible. Que savons-nous de leur culture ?
– Pas grand-chose de plus. Nos télescopes ont identifié un long mur et des pyramides géantes.
– Ce sont-ils inspirés de nous ?
– Ça, tu l’apprendras dans une prochaine leçon.
Le jeune extra-terrestre fait la moue. L’impatience, défaut caractéristique des tempéraments juvéniles, provoque en lui un ressenti. L’adulte le perçoit. Il le tempère :
– Il y a une chose que nous avons emprunté aux hommes. Quelque chose qui fait notre joie.
– C’est quoi ? s’exclama l’élève au regard pétillant.
– Nous avons reproduit ce quadrupède. Ils appelaient cela : un chat.
Et en effet, un chat cyborg approche dans leurs dos, pour venir se frotter à leur pied.