Atelier d’écriture n°19 : un scénario rose?

Bonjour, bonjour les hirondelles d’hiver. Nous voici en 2021. Et comme chaque début d’année, je crois sincèrement que c’est mon année! Voici mon texte de décembre de l’année dernière avec l’atelier d’écriture des mots en douce.

Thème : Un scénario rose ?

Échauffement – Écrire au Père Noël

« Mon tendre Benoit,

Je t’écris puisque maintenant j’ai le temps. Les adultes digèrent, les enfants jouent. Ils ne pensent plus à moi. J’ai jusqu’à l’année prochaine pour me refaire une santé.

Est-ce qu’ils m’aiment ? Des fois, j’ai l’impression de n’être qu’une chaussette. Je t’assure qu’on m’essore !

Est-ce qu’ils ne m’écrivent que par intérêt ? Tout le monde sait que ce sont les parents qui paient. Je ne suis qu’un mensonge, qu’on prend et qu’on jette.

Pourquoi m’abandonnent-ils ? Rien n’arrive sans rien. Il faut mériter dans la vie, par des comportements exemplaires et utiles. Ils se fâchent contre les enfants en se cachant derrière moi. Les lâches.

Les adultes se mentent, avec ou sans moi. Ils choisissent leur propre mensonge : ils appellent cela une religion.

Benoit, pourquoi me parles-tu ? Es-tu un enfant ou un adulte ?


I / Écrire une fiction, avec « tout est foutu ! j’ai trente ans… », partie Anna

– Tout est foutu ! J’ai trente ans…

Anna se projetait intérieurement. Elle avait une idée, à la fois claire et vague de son avenir, exister à sa façon. Les hommes, ces éternels enquiquineurs. Elle ne voulait pas d’eux et, cependant, il y en avait toujours un pour chambouler son quotidien.

– Tout est foutu ! J’ai trente ans…

– Mais de quoi parlez-vous ? L’interrogea Richard.

Plus vieux de 10 ans qu’elle, il en avait rencontré des questionnements féminins. Il ne s’en étonnait presque plus. Presque, car il faut toujours avoir l’impression de découvrir la femme… Tout en sachant instinctivement ce qu’elle veut, ses désirs par le sexe, ses angoisses par la maturité, son besoin de parler par l’écoute, son manque de quelqu’un par sa présence, une inquiétude matérielle par un projet solide, son besoin de rêver comblé par une aisance financière. Richard avait hérité de tout cela, et ce dont il manquait, il l’avait acquis.

– C’est que j’ai un âge, voyez-vous…

– Nous en avons tous un. J’ose dire que vous êtes pleine de charmes, j’ose dire que le temps, contrairement aux autres, vous en apporte de plus en plus.

– Vous dites cela pour me séduire.

– Je dis cela pour la beauté de la vérité. Vous êtes vraiment belle.

– C’est un beau mensonge.

Les deux naufragés du Ritz marquèrent un silence. Anna se plongeait dans son verre. À travers le translucide de l’alcool et de ses songes, se reflétaient les gens autour les gens autour d’elle. D’autres femmes. Beaucoup de femmes. De tous les âges mais toutes de très belle condition. Le privilège de l’âge, du beau sexe, de l’argent. Les sourires blancs scintillaient de pair avec les bagues diamantées. D’autres messieurs matures étaient attablés avec d’autres somptueuses créatures.

– Je ne veux pas être l’une d’entre elles, vous-savez, dit-elle en plongeant dans le regard ténébreux de Richard.

– Intéressant. Le fait de vous questionner montre votre différence. Je trouve cela très séduisant. Qui voulez-vous être ?

Anna réfléchit. Que voulait-elle dire d’elle ? Peut être ne voulait-il pas le savoir. Elle apporta son verre contre ses lèvres sans se rendre compte que celui-ci était vide depuis longtemps.

– Laissez-moi vous offrir un verre. Le même ?

– J’ai trente ans vous savez. Je suis indépendante. Je vais me l’offrir moi-même.

– Comme vous-voulez, sourit Richard.

Ce dernier n’était pas sur la place Vendôme par hasard.

II / La partie Richard + « il y avait surtout Yvonne, avec son dogue allemand »

Richard tempéra la discussion. Il laissa la jeune femme braver. Un peu comme une jument se cabrent puis enchainent plusieurs rondes dans son box trop petit. On appelle cela du caractère ou un caprice. On reviendra plus tard, quand elle sera calmée.

Richard était ruiné. Il sortait tout juste de plusieurs bijouteries. Afin de préserver les apparences, sous des airs de désinvoltures et d’exigences, il demandait l’estimation de plusieurs bijoux retrouvés par une femme de ménage dans un de ses maisons de campagne. Elles étaient dans le giron de sa famille depuis longtemps, parfois des siècles. Il n’y aurait pas de babioles, de faux dans ses valeurs et de fausses notes dans le prestige de ses ancêtres. Alors le bijoutier lui annonçait des sommes. Des sommes qui, pour une majorité de français aurait comblé une année ou deux de survie. Cependant, rien de bien assez cher pour combler les dettes de Richard.

Il avait choisi le 24 décembre pour se dissimuler dans le tohu-bohu de ces hommes cherchant une merveille à glisser sur le doigt ou dans le cou de leur femme ou amante. La magie de Noël. C’était à se moment précis qu’Anna avait glissé devant lui. Il était tombé aussitôt éperdument amoureux. Une fois encore, il vendait son âme pour acheter une femme. C’était son caractère ou un caprice. Chaque fois qu’il se calmait, une autre femme allumait sa flamme. Il s’était « perdu » place Vendômes, on le retrouverait un jour « pendu » ailleurs.

Pour acquérir mieux, il avait tout vendu. Incluant propriétés et dignités. Tout y était passé et beaucoup n’avait pas suffi ! Mais il y avait surtout Yvonne, avec son dogue allemand.

III / Obstacle à la romance

Richard ne pouvait se permettre une nouvelle romance. Yvonne était la chienne de garde. Elle incarnait ses femmes-mères sans griefs. On les retrouve souvent chez nos grands-mères, tantes ou femmes de ménage. Ces femmes ne nous infligent pas la vie mais nous l’inculquent. Assez proche de notre intimité pour nous connaitre, assez loin pour apporter sur un plateau une madeleine de Proust ou ranger un bordel sentimental.

L’argent apporte ce que le temps enlève. Richard avait des pertes de chaque côté.

– Excusez-moi, je ne voulais pas vous paraitre désagréable. Tout à l’heure c’est vous qui m’avez rattrapée. Maintenant j’aimerais que ce soit mon tour. Qu’est-ce qui vous ferez plaisir ?

Anna offrait à Richard un verre comme on paye les pots cassés. Encore une de ces femmes, encore une essentielle. Encore une qui sera oubliée, pour une autre.

– C’est bien gentil à vous. Mais j’aimerais quelque chose que ni vous ni Paris ne pouvez offrir.

– Qu’est-ce ? demanda Anna. Vos désirs m’intriguent fortement.

– Je veux la sensation d’un vent de bord de mer décoiffant me légèrement. Cette sensation de m’enfoncer dans le sable chaud, le bruit du ressac des vagues. Ce luxe d’être allongé sur un transat et de me lever commander un cocktail au bar de l’hôtel. Profiter, de me relaxer, de refaire le monde pendant que le soleil réchauffe ma peau… Richard laissa volontairement planer la fin de sa phrase.

– C’est sûr qu’un 24 décembre, c’est d’autant plus compliqué ! ria-t-elle

-… Mais avec vous, j’ai l’impression de retrouver cela.

– Vous me disiez l’inverse juste avant ! Badina Anna.

– Je sais. Mais de l’alcool ou de votre regard, je ne sais pas quelle subsistance me fait tourner la tête. J’ai un appartement près de la mer.

– Ça vous dit d’y aller, s’avança la jeune femme.

– Un 24 décembre au soir ? Sommes-nous seuls à ce point, seuls à vouloir s’aimer d’un bout de trottoir à un bord de plage ?

– Par ce temps, nous resterons habillés.

– Avec vous, je ne crains pas le temps.

IV / Conclure par le point de vue d’un employé

Le barman vit le couple s’éclipser. Même si cela ne concernait le jugement de personne, il nota qu’ils ne s’effacèrent pas dans un des ascenseurs du palace, mais par l’entrée principale. Il y avait dans cette anecdote un ingrédient majeur qu’il ne pouvait inclure dans ses cocktails : du romantisme. À travers la fenêtre mosaïque d’un artiste en vogue, le barman observait la pluie multicolore.

– Un autre verre garçon ! Pour ce diamant humain, la même chose. Non mieux. Du champagne. Vous nous le ferez livrer directement dans ma chambre.

Un homme venait de le héler pour passer une nouvelle commande. C’était un gentleman, bien apprêté, portant sur lui le décorum de la richesse et de l’accomplissement. À côté de lui était assis une femme plantureuse, dont la robe pailletée offrait à la vue de tous un magnifique dos nu.

Le couple fraichement formé emprunta l’escalier majestueux menant vers les étages. L’homme avait loué une suite et la femme l’y suivait.

Le barman s’exécuta. Inconsciemment, il se demandait si l’homme s’appelait vraiment Richard et la femme Anna. Nom et prénom d’une bourgeoisie et pourquoi pas russe. À force de produire de l’ivresse pour les clients, l’employé s’y perdait lui-même.

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