Bonjour à tous les covidés et non-covidés, que le bonheur vous contamine. Retour sur ma production de Février 2021 avec l’atelier « des mots en douce ».
« Je salue la vie »
I / Écrire un poème commençant par « tandis que j’écris »
Tandis que j’écris, le temps avance
Tandis que j’écris, je ne l’arrêterai pas
Tandis que j’écris, s’encastrent des préférences
Tandis que j’écris, je ne les marierai pas
Tandis que j’écris, s’opposent des différences
Tandis que j’écris, je ne les réconcilierai pas
Tandis que j’écris, le temps avance
Tandis que j’écris, je ne te rattraperai pas
II / Production un texte inspiré d’un passage de « Histoire du fils » de Marie-Hélène Lafon, éditions Buchet Chastel – Prix Renaudot 2020
« Sa mère a serré sa main qu’elle tenait dans la sienne, ils se sont arrêtés, le renard aussi, saisis, les trois ; ensuite le bois a avalé la bête, il n’est plus resté que ses traces à peine visibles sur la neige bleue et dure. »
Les canons à neige avaient craché leur feu de glace. Partout le village se trouvait englué de matière blanche. Les maisons avaient les pieds dans la neige et un peu leurs toits. Seules les nombreuses tours de la ville se trouvaient immaculées, parce que trop hautes ou trop pauvres.
On avait installé les dispositifs de crachats enneigés sur les camions des éboueurs. On remarquait qu’ils passaient partout, où personne ne les remarquait au milieu de la nuit. Une pierre, deux coups. Et puis il y avait aussi un avantage : le manteau de neige recouvrait la misère.
Dans les rues en dévalement, les enfants glissaient à dos de luge. Un roc sur un trottoir – une poubelle oubliée – servait de tremplin. Boum ! une tête d’enfant venait de beugner dans une portière de voiture. Elles étaient de plus en plus fragiles ces choses-là ! Mais on en produisait de plus en plus, c’était dans l’ère du temps.
La thématisation hivernale de la ville épargnait les axes principaux et les bâtiments de sécurité. Ainsi les feux de véhicules imitaient – remplaçaient surtout – les guirlandes et les boules de Noël. Parfois, enfin souvent, des traineaux fonçaient à travers les jardins de Noël. Ce n’était pas le Père, mais les camions de pompiers ou de la police. Des hommes avec un grand « P ». Parfois au grand cœur.
« Les pieds d’Armand glissent sur le parquet, il ne veut pas réveiller Paul qui dort encore et fait son bruit de lèvres dégoutant, comme un chiot quand il tête. »
Armand n’était pas à l’aise dans la ferme de ses parents. Il se sentait à l’écart. Alors discrètement, il se dirigeait vers le bout du couloir et ouvrait en grand la fenêtre. Un vent glacial soulevait aussitôt les rideaux. Une ambiance de fantôme, de petit garçon défiant les mystères d’un chez lui rassurant le jour et inquiétant la nuit.
Ce qui l’attirait comme une belle étoile dans le ciel, c’étaient les illuminations de la ville en contre bas. Il y imaginait les distractions et les plaisirs qu’il n’obtenait pas chez lui. La nature n’est pas un jeu vidéo. Un lapin n’est pas un jouet de GI JOE. Armand n’était ni ingrat ni superficiel. Il rêvait. Il aimait rêver. Rêver n’est jamais ce que l’on a.
Son petit frère n’était pas un personnage idéalisé comme dans les dessins animés. Il était le grain de sable s’initiant entre ses parents et lui.
En contre-bas de la vallée, dans la neige chimique, Armand avait des amis imaginaires. C’était vrai que de son perchoir, on aurait dit des lutins, des tâches noires sur une terre blanche : des fourmis.
Armant s’impatientant de les rejoindre. Ce serait pour l’année prochaine. C’était son rêve et la crainte de ses parents. C’était surtout la loi. Ses parents soufflaient comme un vent d’hiver : « les gens de la ville son froids ». Le jeune garçon se questionnait sur le 1er degré.
Les phrases de ses parents étaient comme des vérités, des réalités, des consignes d’atelier d’écriture. Ils donnaient vie au néant, celui qu’Armand se reproduisait mot pour mot. Ou parfois avec imagination. Cela expliquait son décalage. Quand il se rendait en ville, rien ne ressemblait à la ville. Et encore à sa ferme.
En attendant, il jouait. En ferme né et enfermé. Triste mais heureux.
Un bruit sec provint de la cuisine. Quelque chose était tombé. Cela sembla perturber le sommeil de personne dans la maisonnée. Mais lui, cela le tracassa. Il referma les volets et la fenêtre. Fini le rêve. Armant rentra dans un monde cauchemar.
À pas de loup, le petit agneau descendit l’escalier. Il frémissait à l’idée d’émettre les craquements sur le bois fragile. Sa vision s’adapta à la pénombre que pour lui rendre inquiétant les objets du quotidien. Sur le paquet de céréales, la gentille peluche animale se transformait en monstre sanguinaire. Les ustensiles de cuisine bien alignés au-dessus de l’établi, insufflaient un air de cave sordide où l’on découpait des enfants. Dans le four dormait un gigot de… impossible à savoir. Et mieux valait ne pas chercher à savoir. Armand avait la chair de poule.
Une partie de lui voulait courir se réfugier dans son lit, sorte de protection en tissu contre les agressions de l’extérieur. Mais ses pieds étaient collés sur le parquet. Ce n’étaient pas des clous qui se plantaient en lui à travers le bois. Non, c’était la curiosité. Le savoir interdit l’attirait. Telle une mouche sur une bande adhésive.
Ce fût à ce moment qu’une blancheur se démarqua de la noirceur. Il ne pouvait plus détourner le regard, ni se diriger ailleurs. C’était une feuille blanche sortant d’un tiroir telle un trait de lumière sous une porte. Armand se sentit dans l’obligation de l’ouvrir. Que se cachait-il derrière ?
Le bonheur, la vérité, un piège. C’était une feuille écrite à l’ordinateur. Armand ne savait pas correctement lire. Il reconnaissait des mots par ci par là. Mais que les positifs et les marrants. Les plus malheureux et tristes, ses parents s’étaient tenus de les lui faire comprendre.
Armand repéra le mot Paul. il sentit un soulagement. Son corps entier se décrispa. C’était toujours mieux quand ça parle des autres. Bien que subitement désintéressé, Armand poursuivait le déchiffrement des hiéroglyphes. Lui voyait de belles images, des mots sacrément compliqués. Pas de poules discutant avec des cochons, pas de maman qui fait du lolo en haut et papa qui bricole en bas.
« Courrier du laboratoire Archimède… »
Armand entendit son frère tousser à l’étage. Cela lui arrivait régulièrement mais le réveillait jamais. Armant lui en voulait pour ça.
« … après une série d’analyses, … »
Le jeune garçon continuait de ne pas comprendre ce qu’il lisait. Il pensait à ses supers héros favoris. Superman sauvant la ville imaginaire de Metropolis. Il en rêvait.
« … détectons des métastases cancéreuses en plus grand nombre… typiques d’une leucémie foudroyante… »
Il pensait à un super pouvoir. Superman pouvait cracher un souffle de glace et avait un rayon laser dans les yeux.
« … avons le regret de vous annoncer la vérité, en vue de nos connaissances actuelles et en vertu de notre serment d’Hippocrate ».
Probablement le nom d’un vilain méchant qui voulait répandre un virus capable de décimer la population.
« … toute fois il faut garder espoir. La science évolue chaque jour. Nous vous redirigeons vers le service pédiatrique de la ville… »
Armand sursaut ! La lumière de la cuisine venait d’être allumée par sa mère. Il ne l’avait pas entendue venir, obnubilé par la lettre. Sa maman avait craint un cambrioleur à cause des bruits suspects.
Armand détecta des larmes sur le visage de sa mère. On pleure des fois au réveil.
– Qu’as-tu fait, pauvre enfant ?
Armand ne comprenait pas la situation malgré son nouvel éclairage. Aussi ingénu devant la fenêtre que la lettre, il imaginait avoir fait une bêtise…