Bonjour à toutes et à tous, est-ce que vous êtes toujours dans les parages? ^^ Voici un nouvel atelier « des mots en douce » que je partage avec vous. Il est tout frais. Il date de 4h du mat d’aujourd’hui. Le thème est : un monde post-apocalyptique. Bonne lecture!
//!!/// attention, la première partie de mon texte est dure. Âme sensible s’abstenir //!!//
Voici les contraintes du texte :
I Peter dans son canapé, post-apocalypse
II Que se passe-t-il dans la tête de Peter ?
III On sonne à la porte, rien que des descriptions.
IV Fin de l’histoire ou début d’un nouveau chapitre
Apocalypse
Peter était vautré dans son canapé. Un trou béant s’affichait dans son mur en face de lui, là où trônait son écran plat. Dorénavant, il observait l’apocalypse en 4K. Des milliards de couleurs, des millions de morts. Quand cela devient trop difficile à supporter, on reste spectateur.
Peter n’était pas seul dans son beau salon. Enfin ça, c’était surtout avant. Partout autour de lui, les débris de son plafond encombraient le sol. Il y en avait tellement que mieux valait raser l’immeuble et tout recommencer. De tout façon, il n’y en aurait plus pour longtemps. Déjà la baignoire du voisin du dessus s’était encastrée dans la sienne. Le sang débordait de chaque côté de la céramique brisée. Peter ne voulait pas vérifier si l’hémoglobine appartenait à sa femme ou sa fille. Violence conjugale. C’était pourtant la télé qui avait conseillé de se réfugier, en cas de problème, sous une table ou dans sa baignoire. Peter n’avait plus de larmes pour pleurer.
Par contre, les armes continuaient de cracher leurs munitions. C’était à celle envoyant son mollard de poudre noir et d’acier le plus fort et donc le plus loin possible. Parfois les balles se perdaient. On les retrouvait en réalité dans le corps d’innocents.
Dans le ciel de la nuit, claquait et assourdissait le moteur des avions. Ce tapage nocturne empêchait les voisins de dormir. Il n’y avait plus de flics pour leur demander de baisser le son : ils étaient tous morts. Les voisins aussi d’ailleurs. Cela faisait près de 56h que Peter n’avait point fermé l’œil. Il restait éveillé en plein cauchemar, somnambule en enfer.
Peter n’avait que lui-même pour méditer. Tout était allé très vite, plus vite que la 5G. Il n’y avait pas eu d’escalade. Tout de suite un drone avait tué un soldat, pensant éviter la guerre. Puis une bombe avait détruit une centrale électrique, pensant éviter la guerre. Puis un missile hyper-sonique avait annihilé l’avion présidentiel, pensant éviter la guerre. Des missiles nucléaires avaient explosé sur l’océan ou dans des déserts car on avait vraiment voulu, et tout fait, pour éviter la guerre.
Einstein avait relativisé le temps ainsi que l’intelligence des hommes. Peter était bien d’accord avec lui. Peter attendait la mort. Or, il ne saurait déterminer s’il s’impatientait ou s’ennuyait. Le choc de l’horreur était une balle logée en plein cœur, l’insensibilisant à toutes les douleurs. Il avait haï jusqu’à ce que la première bombe tombe sur le bout de son nez, un square pour en enfant au coin de la rue. Un de ses enfants y passait l’après-midi pour pas penser aux troubles des adultes. Cela ne les dissuada pas de prendre des bâtons et des cailloux, pour jouer à la guerre avec ses camarades. Peter se disait qu’il n’avait voulu que l’aimer. Et il pensait à l’amour qu’il n’avait pas eu le temps ou prit le sérieux de donner. Cet amour fidèle à qui on promet sa dévotion lorsqu’il fait ses valises, franchissant le seuil de la porte dans le mauvais sens.
Était-il un homme ? s’interrogeait-il. Ou bien une souris ? Il aurait aimé être un rat, s’échapper par une fissure et déguerpir loin d’ici. Était-il un soldat ? Aurait-il voulu être une femme ? Est-ce que sa maman voulait-elle bien le reprendre comme lorsqu’il était un bébé ? Se cacher en son sein pour ne plus voir, sentir ou entendre les horreurs de l’extérieur. Il n’avait plus d’espoir depuis que les moyens de communications ne fonctionnaient plus. Quelqu’un avait coupé le cordon ombilical.
S’il était un homme, un vrai, qu’aurait-il pû changer au cours des choses ? S’il s’était engagé en tant que soldat, aurait-il pu empêcher le chaos ? L’homme était pantin. Peter était pantois. Il appelait Dieu au secours, comme on appelait des numéros gratuits quand on se sentait mal dans sa peau.
Ding Dong ! Quelqu’un ou quelque chose venait de sonner à sa porte d’entrée. Qui cela pouvait-il donc être ? La mort comme voisine de palier ? Peter ressuscita de son canapé et se dirigea vers le couloir. Ding Dong ! On s’impatientait ou paniquait. Ding Dong ! Ding Dong ! Ding Dong ! Ding Dong à en devenir fou. Peter ouvrit la porte sans même jeter un œil dans son Judas.
Une statue de poussière se tenait debout dans le couloir. Elle semblait vivante. Semblait, car à chaque fois qu’elle intentait un mouvement ou était prise de spasme, un filet de poussière tombait. On aurait dit une œuvre d’art se fissurant juste avant de s’écrouler en mille morceaux.
– Aidez-moi ! gémissait-elle.
Mais Peter restait lui aussi de marbre. La statue de sel tendit un bras vers l’homme. Il ne déterminait si elle le désignait ou souhaitait s’appuyer sur lui. Par endroit, du sang coagulé formait de vilaines croûtes. Ce mauvais plâtre avait bien besoin d’être nettoyé. Des rigoles de ciment indiquait l’écoulement de larmes ou de morve. Cela se voyait qu’elle avait cherché de la langue de l’humidité à la commissure de ses lèvres. Il n’y avait débusqué que cendres et sable.
– Aidez-moi…
Le fantôme du World Trade Center s’écroula. Peter la ramassa par terre, à la petite cuillère. Dans ses bras, il la ramena à l’intérieur puis disposa le plus délicatement possible le sac de gravats sur son canapé. Elle portait sur elle assez de matériaux pour reboucher le trou béant dans son mur.
Elle semblait dormir d’un sommeil profond, provoqué par une extrême fatigue. Peter ne sût quoi faire. Cela lui rappela que lui aussi était très fatigué. Dans le peu d’espace que lui laissait cette Venus de Milo, il creusa son trou. Ils girent ainsi.
Ils se blottirent ensemble près de 48h. Un temps surprennament long où les éléments destructeurs s’étaient déchainés. Ce fût la statue de poussière qui s’expulsa la première de la position fœtale. Elle secoua Peter :
– Réveilles-toi, le soleil est levé !
En effet, l’astre des cieux avait chassé les ombres et fait taire les combats. Toutes traces humaines en général. Le trou béant dans le mur offrait un nouveau paysage. Certes de ruines jusqu’à l’horizon, mais aussi de calme jusqu’à la raison.
Un corbeau volait en cercle dans le ciel. Il tenant en son bec un objet rond. Peter masqua le soleil de sa main afin de mieux le distinguer. L’animal tournoyait très haut au-dessus d’eux. Il coassa et lâcha sa prise, tombante aux pieds de Peter. C’était un œil humain.
L’ombre reprenait forme humaine à chaque fois qu’elle s’époussetait. Elle épousait par la même les traits si caractéristiques d’une femme. C’était son ancienne voisine. Ce serait dorénavant sa nouvelle co-locataire.
– Viens, on va trouver un chez nous.
– Mais n’est-ce pas ici ? interrogea Peter.
– Regardes autour de toi, ce n’est plus chez nous. Nous sommes expulsés.